Au seuil de cette nouvelle année, Anne Chrétien nous quitte…
Elle, si tendue vers la présence, s’est absentée durablement.
Elle fut l’une des premières étudiantes de l’IFGT (3e promotion )
et par la suite, l’une de ses formatrices les plus engagées.
Nous conservons vif le souvenir de la présence intense et singulière d’Anne.
En juin 2003, Anne avait généreusement répondu à la curiosité de la gazette de l’IFGT de l’époque, qui s’intitulait Ça Soir, et qui passait tour à tour les formateurs de l’IFGT à la question...
1. Qu’est-ce qui vous a fait choisir la gestalt thérapie comme pratique thérapeutique ?
Je suis autant venue à elle qu’elle est venue à moi. Je projetais de venir en Gironde et je cherchais une formation qui puisse m’unifier, après sept ans de cure psychanalytique, du yoga, de la danse, de nombreuses mises en scène théâtrales, poétiques et chorégraphiques dans un collège, et beaucoup d’intérêt pour le concept d’awareness. Après avoir lu quelques livres des pionniers, j’ai entendu dire que le plus grand théoricien de la gestalt-thérapie en France dirigeait une école de formation à Bordeaux. Voilà ce qui m’a amenée à pousser en 1986 la porte de JM Robine, à l’Institut, rue Paul-Louis Lande à Bordeaux.
2. Quel est le dernier livre qui vous a le plus marqué ?
Je viens de finir la lecture de « Leçons sur Tchouang-Tseu » de Jean-François Billeter, un sinologue, aux éditions Allia. 4 leçons prononcées au Collège de France en l’an 2000. Le texte de ce grand philosophe de l’Antiquité chinoise qu’est Tchouang-Tseu est dans cet ouvrage d’une lecture très facile... qui ne « chinoise » pas. Quand l’auteur choisit de traduire le mot chinois « tao » par « le fonctionnement des choses », il colle au sens de la phrase et rend ainsi la traduction beaucoup plus vivante, puisque débarrassée des « chinoiseries » habituelles. En lisant ce texte, je vois aussi l’influence de ce philosophe sur des penseurs comme Goodman, Wittgenstein...
3. Quelle est votre occupation favorite ?
J’aime lire, marcher, surtout au bord de la mer... et découvrir dans un ciel d’encre les rayons du soleil. J’aime la vie des êtres.
4. Votre couleur préférée ?
Je n’ai pas de préférence figée. J’aime certaines couleurs selon les jours, les saisons, mes humeurs... J’aime les marier entre elles et découvrir de nouvelles harmonies.
5. Qu’est-ce que vous détestez par-dessus tout ?
Je déteste la méchanceté gratuite et/ou perverse.
6. Quel est votre héros préféré ?
Je n’ai pas de héros préféré. Certains personnages de films m’émeuvent beaucoup, par exemple celui de « l’homme sans passé » de Kaurismaki.
7. Quelle est la musique qui vous a dernièrement enthousiasmé ?
Une amie m’a offert Arvo Pärt, Für Alina. J’aime beaucoup.
8. Et Dieu dans tout ça ?
Je ne sais pas s’Il existe. Ce que je peux dire, c’est que souvent l’Invisible me fait signe.
Au revoir, Anne ...
par Anne-Marie Bernard-Klapholz
Beaucoup de ceux qui liront ces quelques lignes auront sans doute eu Anne Chrétien comme formatrice.
De mon côté, je suis une ancienne étudiante de l’IFGT, devenue gestalt-thérapeute et superviseur, ici dans l’Occitanie toulousaine.
C’est en 1987 que, Anne et moi, nous sommes rencontrées dans la formation IFGT …
A partir de cette année, une longue et fidèle amitié est née et qui ne s’éteint pas malgré la mort de ma chère amie le 3 janvier dernier, à la suite d’une longue et invalidante maladie.
Nous nous sommes suivies et soutenues dans les moments difficiles et également rieurs de cette longue formation. Le 3e cycle nous réunira à des condisciples de Grenoble, ce qui a élargi et fait rencontrer la nouveauté, chère à la Gestalt !!
Je me souviens des séminaires exaltants tant à Bordeaux qu’à Paris. Le premier fin septembre 1987… avec J-M. Robine, enfin on y est !! Qui sera suivi par le séminaire sur l’Awareness … tiens, un drôle de concept qui ne quittera pas Anne dont ce sera le thème de thèse, et une part de ses enseignements quand elle est devenue formatrice.
Suivront d’autres formateurs : J-M. Delacroix, lors d’un premier séminaire à Yenne, qui nous initie au mystère de la Théorie du Self, qu’Anne enseignera aussi comme formatrice. Puis la présence si particulière d’André Lamy de l’Institut Belge… pour un séminaire sur le Groupe !! Larmes et rires !
Je me souviens des séminaires « américains » avec Erv et Myriam Polster, et quelques autres invités.
Je me souviens que lors du séminaire sur la Créativité, Anne m’a servi de mannequin pour confectionner sur elle une robe de type soirée… Se lancer dans une pratique créative inconnue de nous, telle était la consigne de J.M. Robine. Elle a accepté avec patience et empathie mes maladresses de couturière !! Elle fut magnifique dans cette longue robe rouge et noire !
Le 3e cycle démarrait et nous nous retrouvions avec tant de plaisir pour la découverte de nouveaux concepts, et pour le partage de moments amicaux.
Notre amitié se scellait durant les journées de formation, mais aussi dans le partage des chambres d’hôtel, ou chez une condisciple parisienne.
C’est en février 1992 que s’est terminée notre formation.
Anne commençait à avoir quelques clients. Je l’ai suivie de près.
Son mémoire sur l’Awareness se trouve dans les archives de l’Institut.
Elle m’a aidée moralement et quelques années plus tard, j’ai pu soutenir à mon tour mon mémoire sur l’Ajustement Créateur.
Anne était une personne douce et ferme dans son amitié, et j’imagine aussi dans sa pratique de thérapeute qui s’est arrêtée, il y a peu. Son dernier groupe de supervision s’est terminé en juin 2021, malgré sa fatigue. Accompagner était si important et nécessaire pour elle, ce qu’elle avait su si bien faire aussi, lorsqu’elle était professeur de lettres.
La Gestalt-Thérapie nous a offert l’amitié qui, malgré la distance géographique, a survécu à tous les événements de nos vies. De belles rencontres, notamment dans la co-animation de sessions de thérapie en Bretagne, associées au jeu du Clown. Anne était la thérapeute dans ces groupes. Elle m’a montré le chemin pour en proposer ensuite dans le Gers.
Son départ vers l’au-delà nous laisse une tristesse qui s’apaisera grâce à la richesse des souvenirs.
Son passage dans les équipes de formation réveillera aussi quelques souvenirs à plusieurs générations d’étudiants.
Je l’espère …
En septembre 2004, au Congrès Européen de gestalt thérapie qui s’est tenu à Prague... Anne et ses amis gestaltistes.
De gauche à droite, Brigitte Lapeyronnie Robine, Christiane et Jean-Pierre Garrivet, Anne Chrétien, Nadine Gardahaut, Nicole de Schrevel,
Jean-Marie Robine.
Nous étions amies
par Christiane Garrivet-Martin
Anne nous a quittés en fin de matinée du 3 janvier dernier.
Impensable de la laisser partir sans laisser de traces au sein de l’IFGT, où elle a été formée à la Gestalt-thérapie et dont elle a fait partie intégrante durant des années en tant que formatrice, membre du conseil pédagogique, formatrice internationale…
Pour notre groupe, que de souvenirs, de complicité, de soucis partagés, de soutien mutuel !
Pour ma part, nos différences ne nous séparaient pas, elles nous rapprochaient et nous nourrissaient.
Je n’ai pas eu nécessairement besoin de la comprendre, nous étions amies.
La dernière fois que j’ai entendu sa voix au téléphone, elle ne parvenait plus à s’exprimer et j’imaginais la souffrance qu’elle devait éprouver. Cette même expérience, je l’ai vécue avec ma mère, que je revois en fin de vie, faisant des efforts surhumains pour nous dire des choses et puis, soudain s’effondrant, dans un découragement abyssal.
Le thème de l’awareness, qu’Anne a exposé, développé, enseigné durant des années à nos étudiants, ne sera plus regardé de la même façon à présent.
Jean-Yves, son fidèle et aimant compagnon, l’a entourée jusqu’au bout, et c’est à lui aussi qu’aujourd’hui je pense.
Nous perdons quelqu’un dont je dirai, pour reprendre les propos d’Axel Kahn, qu’elle était un « type bien ».
Anne, Jean-Yves, son compagnon, et Jean-Marie Robine à St Romain...
On se souvient d’Anne à Rostov, (Russie)
par Marina Aralova
Pour l’équipe de l’Institut régional de Gestalt du Sud de la Russie (Rostov), Anne s’est révélée être une remarquable enseignante, une agréable interlocutrice et une personne très ouverte. Son étonnante jeunesse d’esprit était combinée avec du professionnalisme et de la créativité. Nous sommes heureux d’avoir pu parler longuement avec elle et nous la garderons dans nos cœurs.
En 2011, à Saint Romain la Virvée, lors d’une réunion pédagogique...
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